CONTRE L’EXPULSION DES ÉTRANGERS MALADES, INTERPELLONS NOS MINISTRES !
Aucun gouvernement jusqu’ici n’avait enfermé et expulsé autant d’étrangers malades. Les drames humains se succèdent. Aidez-nous à attirer l’attention de nos ministres sur cette situation dramatique qui s’est considérablement aggravée sous la Présidence Hollande.
participez à la campagne et envoyez un tweet directement adressé aux ministres concernés pour leur rappeler que la situation est grave et mérite leur attention.
La tribune
En France, un étranger gravement malade reste d’abord et avant tout un étranger. Chaque jour sur le terrain la même mécanique se met en place, réservant à nombre d’entre eux un traitement inhumain : déni de droits, interpellation, enfermement et expulsion vers des pays qui n’offrent aucune garantie d’accès aux soins. En violation totale du droit à la santé, des milliers de personnes atteintes d’hépatite C, de diabète ou du VIH vivent désormais sous la menace d’un retour forcé au pays. Retour souvent synonyme de condamnation à mort eu égard à la gravité de leur pathologie.
Pourtant, depuis 1997 un principe fort s’était progressivement imposé : soigner, plutôt qu’expulser une personne gravement malade sans papiers, lorsqu’il est établi que sa pathologie ne pourrait être prise en charge dans son pays.
Aujourd’hui, ce principe est oublié. Cette évolution a été amorcée par la loi du 16 juin 2011 permettant des expulsions vers des pays où les traitements sont officiellement existants, sans se préoccuper de savoir si la personne pourra effectivement y avoir accès. Malgré des instructions plus protectrices du Ministère de la Santé, cette loi reste souvent appliquée de manière restrictive.
Lors de la campagne présidentielle, François Hollande s’était engagé à rétablir la prééminence du droit à la santé. Il avait qualifié cette législation de « dangereuse et hypocrite ». Dangereuse, elle l’est incontestablement. En imposant aux malades une peur permanente de l’interpellation, elle les éloigne de soins indispensables à leur survie et pose même des problèmes de santé publique lorsqu’il s’agit de pathologies infectieuses. Hypocrite, elle l’est tout autant, car, elle n’a aucune incidence sur la régulation de l’immigration compte tenu du faible nombre de personnes concernées.
Au quotidien nos activités nous permettent de constater que, loin de s’améliorer, la situation s’est dégradée. Les drames humains se succèdent, au terme d’un processus opaque masquant la réalité et l’ampleur du phénomène. Depuis la fin de l’année 2012, nous avons dû alerter les ministres de la Santé et de l’Intérieur sur plus d’une trentaine de situations de personnes gravement malades, pour tenter de faire cesser leur enfermement ou d’éviter leur expulsion.
Mais combien d’autres ont été expulsées sans que nous en soyons informés ? Combien d’entre elles sont mortes depuis, faute de traitement dans leur pays d’origine ? Personne n’est aujourd’hui en capacité de l’évaluer. La seule chose dont nous sommes sûrs, c’est qu’aucun gouvernement jusqu’ici n’avait enfermé et expulsé autant d’étrangers gravement malades.
Pour ceux qui pensaient que le changement de mandature allait faire primer la santé des personnes sur la politique du chiffre, c’est une cruelle désillusion.
D’un côté, cette situation révèle le peu d’empressement du Ministère de la Santé à faire respecter le droit à la santé. De l’autre, le zèle du Ministère de l’Intérieur a totalement décomplexé les pratiques des préfectures. De nombreux préfets durcissent les procédures d’octroi ou de renouvellement des titres de séjour pour soins. Ils s’arrogent même des compétences normalement dévolues aux médecins, évaluant eux-mêmes l’état de santé des personnes et l’existence de traitements dans le pays l’origine. Voilà ce qui se passe quand les préfets jouent au docteur : une procédure arbitraire, non conforme à la loi, basée sur des critères subjectifs et en totale violation du secret médical. Ainsi, des personnes séropositives se voient-elles expulsées vers la Côte d’Ivoire ou le Bénin alors que la prise en charge du VIH n’y est absolument pas garantie.
Ces pratiques conduisent un nombre croissant d’étrangers malades à un placement en rétention extrêmement dommageable à leur état de santé. En février 2014, un homme atteint de troubles psychiques graves est ainsi enfermé à Toulouse en vue de son expulsion. Au lieu de recevoir des soins psychiatriques appropriés, il passe huit jours dans une cellule d’isolement disciplinaire qui aggrave sa souffrance psychique. Par ailleurs, de plus en plus souvent, des personnes sont présentées à l’avion avant même qu’un avis médical n’ait été rendu. Quant aux étrangers malades exécutant une peine en maison d’arrêt, ils sont pour la plupart expulsés à leur sortie de prison, sans qu’à aucun moment une procédure de protection ne soit initiée, au mépris de la loi.
Dans toutes ces procédures où règnent l’arbitraire et l’opacité, rien ne garantit plus l’évaluation médicale avant l’expulsion. Rien ne contraint non plus l’administration à informer les malades des décisions prises les concernant.
Il est donc temps de rétablir une politique respectueuse de la santé et de la dignité des personnes. Nos associations en appellent à une réponse gouvernementale coordonnée pour redonner au droit de séjour pour raison médicale sa vocation première : permettre aux personnes malades résidant en France de poursuivre leur prise en charge médicale, sans vivre sous la menace d’une expulsion.
Sur le plan de la législation, le retour au dispositif antérieur à la loi de 2011 est donc nécessaire.
Sur le plan des pratiques, l’enfermement en rétention des étrangers présentant des affections sévères et les procédures abusives régulièrement constatées en préfecture doivent cesser.
Enfin, un cadre juridique contraignant doit être instauré pour permettre un accès effectif à la santé en cas d’enfermement, et la suspension de toute expulsion tant qu’un avis médical n’est pas rendu.
Il appartient au Premier Ministre de réaffirmer au plus vite le primat des enjeux de santé sur les objectifs de contrôle migratoire. Un dispositif transparent doit être mis en place, sous la tutelle exclusive du Ministère des Affaires sociales et de la Santé, afin de garantir la protection des étrangers gravement malades.
Luc BARRUET, Directeur-Fondateur de Solidarité Sida,
Tarek BEN HIBA, Président de la FTCR,
Thierry BRIGAUD, Président de Médecins du Monde,
Michel BRUGIERE, Président du Centre Primo Levi,
Bernard ELGHOZI, Président de Créteil Solidarité,
Carine FAVIER et Véronique SEHIER, Présidentes du Planning Familial,
Bernadette HETIER, Dominique DELTOUR, Renée LE MIGNOT, Pierre MAIRAT, co-Présidents du MRAP,
Geneviève JACQUES, Présidente de La Cimade,
Francis LECOMTE, co-président de la FASTI,
Jean-Claude LOOS, Président du CATRED,
Stéphane MAUGENDRE, Président du GISTI,
Patrick MONY, Président de l’AFVS,
Bruno SPIRE, Président de Aides,
Pierre TARTAKOWSKY, Président de la Ligue des droits de l’homme.