Président et fondateur de l’association AGD Mauritanie, Aliou Diop mène des actions de prévention, d’accompagnement et d’insertion à destination des jeunes touchés directement ou indirectement par le VIH. Dans un pays où les subventions comme les partenaires restent instables, il a tout misé sur la collaboration et le combat collectif.
À la base de votre engagement, il y a la volonté de porter la jeunesse mauritanienne
Nous étions des étudiants en BTS comptabilité et nous avons d’abord créé une association pour développer l’entreprenariat et l’épanouissement des jeunes. Mais, par la force des choses, nous avons aussi mêlé cette action avec des campagnes de sensibilisation et de prévention au sujet du VIH puisque cette même jeunesse est concernée par l’épidémie.
« Le VIH semblait comme invisible et il n’y avait aucune donnée. »
Et pourquoi vous être ensuite concentré sur cette lutte contre le VIH ?
Moi je n’avais pas forcément conscience de l’étendue du problème. Le sujet était un grand tabou en Mauritanie, les malades victimes d’exclusion, le VIH semblait comme invisible et il n’y avait aucune donnée. Donc en découvrant la réalité dans mon pays, nous avons accentué notre combat sur cet objectif.
Que fait concrètement votre association ?
De la prévention, de l’accompagnement des populations clés vers les structures de santé, des plaidoyers pour le droit des malades auprès des institutions. Mais surtout, nous développons des relations avec d’autres acteurs nationaux et internationaux, en Afrique de l’Ouest, au Maghreb, pour faire avancer la cause plus largement.
« Les choses ont évolué dans le bon sens. »
Et vous constatez des résultats après presque 15 ans d’existence ?
Oui, les choses ont évolué dans le bon sens. Déjà, le sujet n’est plus tabou et nous sommes consultés pour la mise en place de politiques nationales de santé, nous sommes invités dans les conférences internationales. Cette lutte est reconnue comme fondamentale. Le problème c’est que cela dépend beaucoup de la volonté des politiques au pouvoir et parfois nous avons l’impression de devoir tout recommencer…
Quelles sont les plus grosses difficultés pour l’association ?
D’abord il y a la géographie de la Mauritanie. C’est un très grand pays où tout se concentre dans la capitale. Nous avons beaucoup de mal à développer nos actions sur les 80% du territoire où il n’y a presque pas de services publics ! Nous avons aussi du mal à impliquer la société civile, à mobiliser les communautés concernées. Tout passe encore trop par l’État et les institutions.
Et il y a le problème des financements…
C’est parfois décourageant… Il y a quelques années, les subventions du Fonds Mondial ont énormément diminué et nos partenaires nous ont tourné le dos alors que le besoin était là, que l’épidémie progressait silencieusement. Beaucoup d’associations ont alors changé de domaine faute d’argent. Nous avons choisi de continuer malgré tout.
« Seuls, nous n’aurions jamais pu continuer d’avancer. »
Comment avez-vous tenu ?
Grâce au réseau, à la collaboration avec d’autres associations. Même si elles ne luttaient pas directement contre le VIH, nous profitions de leurs structures pour faire notre prévention. Seuls, nous n’aurions jamais pu continuer d’avancer.
Et c’est ce combat collectif qui vous donne de l’espoir ?
Exactement, c’est ça qui me motive aussi. On apprend des autres, on partage beaucoup, on est au contact de pays où les réalités sont différentes mais les problèmes similaires. On découvre des solutions ensemble et on comprend qu’on a raison de lutter puisque l’on n’est jamais seul. C’est ce qui se passe avec Solidarité Sida, c’est le donner et le recevoir. Nous apprenons d’eux, de tous les acteurs que nous croisons via Solidarité Sida et nous profitons du poids de la structure pour gagner en crédibilité. Ce combat, nous avons compris qu’il n’y a qu’ensemble que nous le gagnerons.