Solidarité Sida accompagne des associations africaines dans le cadre d’un programme triennal de renforcement de capacités, soutenu par la Mairie de Paris et l’Agence Française de Développement.
Avril et Gartieb ont co-animé l’atelier de lancement de diagnostic de l’association Mieux Vivre avec le Sida (MVS) au Niger, qui intègre le programme cette année. Ils nous racontent.
Bonjour Avril, pour commencer peux-tu nous expliquer quel est le contexte du Niger ?
Avril : Le Niger fait face à de nombreuses difficultés, notamment géopolitiques, puisqu’il est situé en plein cœur du Sahel où les menaces de Boko Haram et Aqmi sont très présentes et politiques avec des institutions qui ne fonctionnent pas toujours très bien. Le pays a réalisé des progrès significatifs dans certains domaines, notamment celui de la lutte contre certaines maladies évitables par la vaccination (variole, diphtérie, poliomyélite). La situation sanitaire reste cependant préoccupante, marquée par une mortalité maternelle et infantile élevée, la double charge des maladies transmissibles et non transmissibles et une réelle inégalité et iniquité dans l’accès aux services de santé pour certaines catégories de personnes.
En terme d’infrastructures, les principaux hôpitaux fonctionnent essentiellement grâce aux financements de l’OMS et de l’UNICEF. Face à ce contexte, la lutte contre Sida n’est malheureusement pas la priorité.
Peux-tu nous présenter MVS, l’association que vous avez rencontrée ?
Avril : C’est la première et la principale association de prise en charge communautaire au Niger. Ils font du dépistage, de la prise en charge médicale et psychosociale des personnes vivant avec le VIH. Ils ont donc une file active avec plus de 3000 patients, dont 1200 sous ARV. Ils ont développé un volet spécifique aux hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) depuis quelques années.
Quel était le but de cet atelier ?
Avril : La particularité du Programme Autonomisation est qu’à leur entrée dans le programme, les partenaires réalisent un diagnostic sur leur structuration. Notre but est de leur donner une méthodologie et les outils qu’ils vont devoir utiliser. J’étais accompagnée sur cette mission de Gartieb de l’association ADS au Burkina Faso. Son rôle était de les rassurer sur les difficultés qu’ils pourraient rencontrer tout au long du diagnostic.
Gartieb, tu es donc un « partenaire associé ». Peux-tu nous expliquer de quoi il s’agit ?
Gartieb : Le partenaire associé est l’association qui a bénéficié du Programme Autonomisation pendant trois ans à l’issue duquel elle s’est vue proposer de devenir partenaire associé. Parmi les missions qui ont été communément définies à l’issu des temps communs, Solidarité Sida nous propose de réaliser à ses côtés, l’accompagnement des nouveaux partenaires.
Qu’est-ce que le fait d’être partenaire associé apporte à ta structure ?
Gartieb : Pour nous, c’est une occasion de faire connaître davantage notre association et de valoriser l’expérience que nous avons pu acquérir avec ce programme. Les contextes ne sont pas les mêmes, mais tout au long de la mission, je me suis retrouvé dans certaines situations que vit MVS et auxquelles les équipes d’ADS+ ont dû faire face. Cet atelier permet d’échanger des conseils et des bonnes pratiques et également de s’inspirer les uns les autres. Durant cet atelier, j’ai apporté ma contribution dans la mise en marche de MVS vers son autonomisation et j’en suis moi-même ressorti enrichi. Cela m’a permis de prendre un peu de recul et travailler à renforcer certaines faiblesses qui subsistent encore chez ADS+.
Comment se déroule un atelier ?
Avril : Nous faisons le tour des différents champs de la structuration associative. Cette mission a été particulièrement intéressante car il y a eu de vrais échanges entre les membres du CA, la direction et l’équipe exécutante. Cet atelier a permis de libérer la parole et la présence de Gartieb a été très appréciée. Pour Solidarité Sida, avoir un partenaire associé à ses côtés permet de passer certains messages et de valoriser la dynamique Sud-Sud, qui est un des points forts du Programme Autonomisation.
Ces ateliers permettent donc un réel échange entre les associations du Sud ?
Gartieb : En effet ! J’ai joué deux principaux rôles : la co-animation des travaux mais surtout celui de rassurer MVS. Etant passé par-là, j’ai pu faire part de notre expérience à MVS sans pour autant influencer leur décision. Mon rôle était aussi d’attirer leur attention sur certains faux pas possibles qui pourraient les amener à ne pas réussir le programme, notamment l’incapacité à faire un diagnostic honnête de la situation de leur association, en passant à côté des réels problèmes.
Quel est votre ressenti après cet atelier ?
Gartieb : J’ai quitté Niamey sur une note d’espoir et en étant convaincu des capacités de MVS à réussir son diagnostic. Aussi, la dynamique de la collaboration instaurée avec Solidarité Sida permettra d’apporter une attention particulière à MVS tout au long du diagnostic.
Avril : J’ai senti que MVS avait de nombreuses forces pour réussir dans le Programme Autonomisation et en même temps de véritables axes de travail sur lesquels nous allons pouvoir les appuyer. En ce qui concerne la collaboration avec le partenaire associé, il s’agit pour moi d’une des plus-values de ce programme de pouvoir valoriser l’expertise du Sud et de ses acteurs de terrain.
À la fin de cet atelier, les membres de MVS se disaient qu’un jour, ils seraient eux aussi des partenaires associés ?
Gartieb : Bien sûr ! (Rires)
La région du monde la plus touchée par le VIH
L’épidémie de VIH poursuit sa progression sur le continent africain, et notamment en Afrique subsaharienne qui concentre 61% des nouvelles infections dans le monde. Le sida reste la cause principale de mortalité en Afrique où seuls 51% des adultes vivant avec le VIH ont accès aux traitements antirétroviraux. Une situation inacceptable qui nécessite que l’on prenne le sujet à bras le corps.
Des parcours de vie fragilisés
Le VIH touche toutes les composantes de la société africaine, mais il handicape plus lourdement certaines catégories de personnes. La profession, la situation familiale, l’orientation sexuelle et la persistance de traditions sont des facteurs reconnus de vulnérabilité face à l’épidémie. Les adolescentes et les jeunes femmes sont exposées de manière disproportionnée au risque de contracter le VIH. Les discriminations et politiques punitives à l’égard des femmes, des hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes, des usager.e.s de drogues ou travailleur.se.s du sexe constituent des freins à la prévention et à l’accès aux soins.
Les associations communautaires africaines ont joué un rôle précurseur et déterminant dans l’aide aux malades et l’organisation de la lutte contre le VIH/sida. À l’origine de ces organisations se trouvent souvent des personnes infectées ou affectées par la maladie qui ont pris en main leur situation et celle de leurs proches en réaction au manque de moyens des autorités. Dans des pays ou des régions où les systèmes de santé sont encore trop peu développés, elles restent un recours indispensable pour mettre en place un environnement médical et social sécurisant. Elles apportent aux malades une écoute et une compréhension favorisant les soins et l’observance aux traitements.
Depuis 13 ans le Fonds Solidarité Sida Afrique leur apporte donc un soutien financier tant aux activités de prise en charge et de suivi médical, à l’appui psychosocial des malades qu’à des actions de prévention ciblées. Le fonds soutient aussi les moyens de les réaliser.
La société civile au cœur de la réponse : la confiance aux associations locales
Les associations sont au plus près des besoins des malades et jouent un rôle fondamental dans des contextes où les systèmes sanitaires sont défaillants. Parce qu’elles sont installées au cœur des populations, qu’elles sont souvent animées par des personnes directement concernées, ces associations sont souvent les plus à même d’aider les malades au quotidien. Les systèmes d’entraide y sont performants et les compétences de plus en plus nombreuses et reconnues.
Dans une visée long terme, le renforcement de la société civile est primordial pour lutter efficacement contre le fléau du VIH/Sida. C’est dans cet esprit que Solidarité Sida s’attache, autant que possible, à développer l’autonomie de ses partenaires. Au delà de l’appui financier, les équipes ont développé une approche plus complète en proposant un appui technique qui peut couvrir la gestion financière, le mobilisation de ressources ou encore la structuration associative.
Une approche globale pour plus d’efficacité
Les traitements sont vitaux mais ne suffisent pas. Pour rester intégrés dans leur communauté et suivre au mieux leur traitement, les malades et leur familles doivent être accompagnés sur le plan médical mais aussi psychologique et social. Ainsi, le Fonds Afrique permet de contribuer à l’achat de médicaments et de tests de dépistage, à l’aide au suivi des traitements des malades, à la mise en place de visites à domicile et à l’hôpital, d’ateliers nutritionnels, de groupes paroles, d’entretiens psychologiques…
Dans un souci de complémentarité avec l’action publique locale, une attention particulière est portée à l’étude des contextes locaux. Ils sont souvent marqués par de fortes disparités régionales à l’intérieur d’un même pays, qui isolent totalement les populations des systèmes publics de prise en charge. Les réponses proposées par les associations diffèrent selon l’implication des autorités sanitaires locales.
Un soutien prioritaire aux populations les plus fragilisées
Le Fonds Afrique accorde une place particulière au renforcement de l’accès aux soins et aux traitements des populations les plus exposées aux IST. Elles sont particulièrement fragiles économiquement, comme les femmes isolées, elles sont marginalisées – personnes migrantes, populations LGBTQI+, travailleur·se·s du sexe… – ou vivent dans des régions reculées. Les dispositifs de prise en charge publics et communautaires sont de plus en plus effectifs dans les capitales, mais l’accès aux soins reste insuffisant dans les régions et particulièrement en zones rurales. Le Fonds soutient des projets de décentralisation de l’aide aux malades pour accompagner la structuration des systèmes de santé par le biais des associations.
Un Comité pour nourrir la réflexion
Active sur le terrain depuis plus de 15 ans et s’appuyant sur l’expertise son équipe des Programmes Santé & Solidarité, Solidarité Sida soutient aujourd’hui, grâce au Fonds, 33 projets dans 14 pays d’Afrique subsaharienne. Moments clés de l’année du Fonds Solidarité Sida Afrique, les réunions du Comité International permettent de préciser la stratégie de financement et statuent sur les projets soutenus dans ce cadre. Solidarité Sida accompagne le Comité dans l’instruction des dossiers et apporte, pour les associations déjà partenaires, des éclairages complémentaires sur le travail effectué avec elles, sur la qualité des relations et des éventuels retours de mission. Entre Nord et Sud, entre associatif et institutionnel, la diversité des profils au sein du Comité alimente les échanges et permet de gagner en efficacité.